Avignon

D’une île sur le Rhône,

Face au palais des papes

Dont le soleil couchant 

Incendie la muraille

Je regarde le ciel

Virer du cuivre au mauve.

 

Hier, il a neigé 

Sur toute la Provence.

Le fleuve en est plus sombre.

Le pont Saint Bénézet

Semble posé dessus,

Désormais inutile. 

 

Notre Dame des Doms

A la vierge dorée

Se fondra la dernière

Dans l’encre de la nuit.

Sa prière de pierre

Veillera sur la ville.

 

J’aime à imaginer,

Dans les salles désertes,

Une foule, soudain, 

Revenue du passé.

Un monde bigarré

De valets et de moines.

 

Des cuisiniers ventrus, 

Des officiers de bouche

S’effacent au passage 

De prélats en velours,

Pourpre cardinalice.

 

Les murs sont tapissés

De tentures et de fresques,

Qu’enluminent des fleurs,

Des oiseaux bariolés.

C’est ainsi qu’en ces temps

On voit le  Paradis.

 

Dans les ors et l’encens,

Qu’il est loin le sermon

Sur les béatitudes.

A cette pensée là, 

Le charme s’est rompu.

Et, brusquement, j’ai froid.

Pierre SELOS