De ma fenêtre

Je n’ai pas de chanson qui parle de Paris.

J’en suis amoureux fou mais cette ville phare

Possède tant d’amants inconnus ou célèbres

Que tout est déjà dit.

 

Mais cette métropole est faite de quartiers

Qui sont d’anciens villages gagnés sur la campagne

Et qui ont une histoire.

 

Il y a ceux du plaisir et ceux de la révolte

Des faubourgs artisans, des zones ouvrières

Dans sa périphérie.

 

Face au square d’Anvers, juste au pied de Montmartre,

En bas on s’y amuse ; tout au sommet l’on prie.

Je suis dans l’entre deux.

 

On peut croiser ainsi de croyants pèlerins

Avec des écossais qui soulèvent leur kilt

Et leur montrent leur cul.

 

C’est le lieu préféré des troisièmes mi-temps,

Où l’on enterre aussi une vie de garçon

A la bière, au champagne.

 

Quand on n’a pas de thune, on peut pour presque rien

Rhabiller un bonhomme à la foire à farfouille,

Des pieds jusqu’à la tête.

 

Entre Barbès et Blanche, en passant par Pigalle,

Des salles de concert aux cabarets miteux

La nuit est à la fête.

 

Aux tout petits matins, mêlée aux cris d’ivrognes

Monte de temps à autre la plainte déchirante

D’un drogué sans sa coc.

 

Ne croyez nullement, par ce que je vous conte

Qu’autour de mon immeuble on y risque sa mort.

On n’y est jamais seul.

 

Dans les quartiers huppés, un appel « au secours »

N’est jamais entendu dans une rue déserte.

Le bourgeois fait le sourd.

 

Il me suffit, le jour, en ouvrant ma fenêtre,

De voir que l’on accourt de tout le monde entier

Pour visiter ma ville.

 

Et je mesure alors la chance qui est mienne

De pouvoir disposer autant que je le veux

De cette île au trésor.

 

En partir en sachant qu’on va y retourner

Est un double bonheur qui tient du privilège,

Paris ! Mon port d’attache !

 

Pierre SELOS